La jolie promenade en campagne, le 2 août, après les paroles creuses mal entendues, les marches américaines et les pétards mouillés est de tout repos. J'écoute le silence, je hume l'odeur de la paille d'été, je pénètre en des sous-bois vierges. Soudain : tac tac tac. Sur un pré, des militaires miment la lutte à la culotte en attendant de tirer leur coup. Me revoilà hors de la Suisse idyllique, à percevoir le mâche-gravier et la bêtise soldatesque. Les beaux discours qui donnnent à réfléchir en boucle des clichés éculés se sont tus pour laisser parler la seule voix qui occupe dans le vide le territoire paradisiaque d'un pays qui se croit protégé parce qu'il s'amuse à la guéguerre, celle des tirs, obligatoire pollution sonore qui réveille les paisible campagne pour les faire voter UDC.

Etat flottant d'un demi-sommeil au petit matin. Les doigts se gourrent. Rien n'est cassé. Il faudrait, puisque je suis debout, songer à me réveiller.

La musique dans la tête est - pourquoi? - le God save the queen, puis Marignan. Une mouche emmmerde. La barbe gratte un peu et les jambes d'un lendemain de Cousimbert sont lourdes. Le radiateur gargouille, et dans la tête, la marche hésite, courbaturée, entre le pompeux et le militaire.

Ranger un appartement, c'est déplacer le pétchi pour donner le change quand des gens viennent, c'est changer son chez soi pour en faire momentanément un chez nous, c'est se mettre à genoux dans ses chiottes pour que d'autres puissent y pisser heureux.

L'état d'après-sport, pour un faignant, est hypnotique. Tout vole, les yeux pédalent, le corps est lourd, l'esprit crevé. Vive le far niente!

La méditation marchante dans les sous-bois, au bord de la Sarine, est parasitée par le docteur Günter Sabotski. N'est-ce pas plutôt Savetzki? Ou peut-être Radotski? En tout cas, cette ballade était bonnard.

Une suite mystérieuse de chiffres et de lettres pour créer, sur un papier blanc, une oeuvre de hasard ou de nécessité...

La musique "contemporaine", celle des années 1920, dirigée par le sourire de Pierre Boulez, s'écoute avec des oreilles plus écoutantes que Mozart ou que les saucissons baroques qu'on ressort des tiroirs. Elle parle, la musique de notre temps (1920!), à ceux qui refusent le bruit de fond hypnotique. Elle fait un peu peur à l'oreille surprise par la nouveauté. 1920.

"La forme même des pyramides prouve que, dès l'antiquité, les ouvriers avaient tendance à travailler de moins en moins." Travailler plus pour gagner plus? Des millénaires de faignants contemplent Nicolas Sarkozy du haut de leur travail bien fait. Travailler mieux pour vivre mieux.

Les cinq garçons dans le vent, sur l'ordinateur, entrent dans Canobbio. John Renevey marche en tête, déterminé, pas encore assassiné, Paul Francey (c'est un peu con, parce qu'il en existe plusieurs et que je ne suis aucun d'eux) pense à Penny Lane. George Chuard essuie ses lunettes alors que Ringo Bise, pensif, suit le mouvement. Le cinquième scarabée, Nanoul Ono, est trop barbu pour être la femme de Kiki Lehnon. Imagine...